Un chemin de la Retirada

Combler les zones d'ombre

Vous avez questionné tout votre entourage, ou du moins fini de faire le tour de toutes les personnes qui pouvaient vous apprendre quelque chose sur votre famille, la vie d'avant en Espagne, la guerre et le parcours d'exil.
Vous avez consulté tous vos papiers et retourné toutes les vieilles photos.
Puis, ayant tout rassemblé, vous avez ordonné les informations collectées en un récit cohérent.
C'est super bien !  Je me souviens, qu'arrivée à ce stade, moi-aussi j'étais contente mais, je n'étais pas satisfaite du résultat.

Vous non plus ? C'est parce qu'à ce niveau, votre histoire familiale ressemble à un gros morceau d'emmental : elle est pleine de trous !

Mais, allez, ce n'est pas le moment de perdre courage. Ce serait trop bête de s'arrêter en si bon chemin, d'autant qu'il est certainement possible de trouver les informations qui vous manquent.

Car, l'administration française a cela de formidable qu'elle ne jette à peu près rien. Figurez-vous que pendant toute la période de la guerre civile d'Espagne mais aussi après, c'est-à-dire jusqu'au démantèlement complet de tous les camps où elle avait concentré les réfugiés espagnols, l'administration a consigné toutes les informations relatives à l'accueil, l'hébergement, la prise en charge sanitaire et médicale, la surveillance, l'embauche, l'expulsion ou la naturalisation,... de ces étrangers. De sorte qu'il est très probable qu'un registre, une fiche individuelle ou une liste de recensement porte la trace du passage de votre aïeul.

En mettant en pratique les quelques conseils ci-dessous, vous êtes quasiment assuré de retrouver cette trace. Suivez le guide !

 

Conseil n°14 : Questionnez les services d'Etat civil

Parce qu'il faut bien commencer par quelque chose, je vous propose de commencer par le tout début, c'est-à-dire par récupérer les extraits d'acte de naissance de toutes les personnes dont vous reconstituez le parcours.

Oui, je sais, dit comme ça, ça parait bizarre ! Je m'en rends compte en l'écrivant. Il se peut même que certains d'entre vous pensent que je fais du remplissage. Et bien figurez-vous que non. Ce conseil est tout à fait justifié. Personnellement, j'ai dû revoir ma copie à plusieurs reprises précisément parce que les données communiquées par les services de l'État civil ne correspondaient pas à ce que je savais de tel ou tel aïeul !

Pour plus de facilité et raccourcir les délais d'obtention, je vous recommande d'effectuer la démarche par Internet sur le site du Ministère de la Justice espagnol : mjusticia.gob.es

Quand vous serez en possession des documents, mettez à jour votre document-texte ainsi que, le cas échéant, votre ligne du temps.

Profitez-en pour localiser sur votre carte toutes les communes de résidence indiquées sur les différents actes, et vous renseigner sur ces localités et leurs régions ; cela vous en apprendra davantage sur le berceau de votre famille.

 

Récupérez et épluchez

tous les documents d'État civil

qui concernent vos aïeuls

(acte de naissance, de mariage, certificat de décès ... )

et actualisez les dates, lieux de résidence...

que vous mentionnez dans votre récit.

 

Conseil n°15 : Rapprochez-vous d'une association

 

Contacter une association

près de chez vous,

vous y trouverez compréhension, aide et soutien.

 

La Retirada est un exode massif. Il a concerné 1/2 million de personnes. Les descendants sont innombrables. Un peu partout, nombre d'entre-eux se sont regroupés en associations.

Naturellement, ce n'est pas parce qu'une association regroupe des Espagnols qu'il s'y trouve forcément un groupe d'adhérents investis sur le thème de la mémoire historique. Par contre, quelques-unes de ces associations consacrent tout ou partie de leur énergie à conserver et faire vivre cette mémoire. Je n'ai aucun doute sur le fait que vous y trouverez compréhension, aide et soutien.

J'en nomme 2 ici que je connais pour être particulièrement actives :

 

  • Dans le département d'Ille-et-Vilaine (35), vous avez le CCESP, le Centre Culturel Espagnol de Rennes


Le CCESP organise des animations
diverses mais je souhaite surtout souligner le travail de sa commission sur le thème de la Mémoire de l’exil des républicains espagnols en Ille-et-Vilaine : conférences, hommage, expositions, collecte de documents, de témoignages, recherches d’archives en lien avec des historiens espagnols et des associations espagnoles. Ces travaux ont, notamment, abouti à l’écriture d’un livre édité par Ouest-France – éditions EdiLarge  : "La mémoire retrouvée des Républicains espagnols" rédigé par Gabrielle GARCIA et Isabelle MATAS.

Toutes les infos sur le site  : http://ccesp.com

Pour contacter l'association : 31 Bd du Portugal 35200 RENNES
09 51 09 81 63 secretariat@ccesp.com

 

  • Dans les Pyrénées-Orientales (66), vous avez FFREEE, l'association Fils et Filles de Républicains Espagnols et Enfants de l'Exode


FFREE s'est fixé plusieurs buts : Faire reconnaître le combat des Républicains espagnols, dénoncer l'impunité jusqu'à ce jour des crimes franquistes.  Rassembler les enfants et descendants des exilés ainsi que ceux qui se reconnaissent dans leur combat.  Recueillir la part de mémoire vivante. Cultiver l'humanisme. Apporter un soutien à la cause de toutes les victimes des exodes. Transmettre aux jeunes générations cette histoire de lutte et de résistance...

Toutes les infos sur le site  : https://www.ffreee-retirada-argeles-sur-mer.fr

Pour contacter l'association : 26 avenue de la Libération 66700 ARGELES-SUR-MER
06 37 48 98 44 ffreee.retirada@gmail.com

Conseil n°16 : Consultez les archives départementales

Plus de 70 départements ont accueilli des groupes de réfugiés espagnols et, à ma connaissance, il n'existe pas de base de donnée qui rassemblerait l'ensemble des données nominatives pour la période de la Retirada.

Par contre, les Archives Départementales (AD) de tous les départements d'accueil conservent dans leurs fonds, la trace du passage des réfugiés.

Notez qu'aucune recherche ne sera effectuée par les AD, mais leur documentation est consultable en salle de lecture. Pour trouver un document (ou un ensemble de document), vous devrez préciser sa cote, c'est-à-dire un ensemble de caractères (lettres, chiffres, signes) qui indique la place où est rangé le document (ou l'ensemble de document) dans les rayonnages d'archives.
Comme tout le dispositif d'internement était placé sous la houlette de la Sûreté nationale, il vous faudra demander à consulter la série M "Administration générale et économie", sous série 4 "Police".

Allez, là, faut faire un effort ! Pour reconstituer le chemin de Retirada de ma famille, il a fallu consulter les AD de Perpignan (66), Rennes (35), Nantes (44), Lourdes (65) et Carcassonne (11). Mais, ça valait la peine ; tous mes déplacements ont été fructueux, sans exception.

Si vous connaissez le département d'accueil de votre parent, commencez par ses AD.
A défaut, pour mettre le maximum de chances de votre coté, commencez par les AD des Pyrénées Orientales (66) car ils ont fait un gros travail de numérisation des ressources sur les camps d'internement.

Ainsi, les AD 66 donnent accès à :
- des dossiers nominatifs (plus de 4 000)
- une base de données constituée à partir de fichiers et de listes nominatives,
- une iconographie sur la Retirada et les camps
Pour accéder à la recherche en lignehttps://www.ledepartement66.fr/les-ressources-sur-les-camps-dinternement/

Puis poursuivez votre recherche dans les AD des départements dans lesquels sont allés les internés après leur passage dans les Pyrénées-Orientales.

Si vous envisagez de vous déplacer, préparez votre visite en consultant le site internet pour vérifier les conditions d'accès au fonds d'archives car certaines AD imposent une inscription préalable ou une réservation pour ouvrir l'accès à leur salle de lecture.
Enfin, le jour de votre visite, munissez-vous d'un appareil photo car, la plupart du temps, les photocopies sont payantes.

 

 

Allez consulter

les archives départementales

car c'est là que sont conservées

les traces du passage

des réfugiés espagnols.

 

Conseil n°17 : Ne négligez pas les sites espagnols

 

"El exilio es una herencia viva

abierta a quienes quieran

acercarse y aprender a valorarla"

Luisa Capella,

Coordinatrice du Centro de Estudios de Exilios y Migraciones.

 

La Retirada est le mouvement de population le plus visible car il a concerné un nombre très important de personnes sur une période de quelques jours.

Mais il n'est pas le seul exode de la guerre civile, loin de là. Pendant toute la durée de la guerre, il y a eu des mouvements de civils. Au niveau central, comme au niveau local, les autorités républicaines ont tenté d'accompagner du mieux qu'elles le pouvaient, tous ces mouvements.

Plusieurs organes ont été successivement chargés de la question des réfugiés :

- d'octobre 1936 à janvier 1937, ce sera d'abord le Comité national des réfugiés,

- puis à partir de février 37 jusqu'en janvier 1938, on aura l'Office central d'évacuation et d'assistance aux réfugiés (l'OCEAR),

- enfin, à partir de janvier 1938, ce sera la Direction générale de l'évacuation et des réfugiés.

A ces instances centrales, s'ajoutent localement les délégations d'évacuation formées par les Juntas de Defensa.

Toutes ces organisations ont, avec plus ou moins de succès, tenté d'assurer la gestion des réfugiés, d'administrer l'accueil, l'hébergement, le soin, le ravitaillement... des populations déplacées, et à cette fin, elles ont dressé des listes nominatives.

Depuis plusieurs années, le Centro de Informacion Documental de Archivos (CIDA), centre d'information du Ministère de la Culture et des Sports espagnol centralise et met à disposition du public un ensemble de fonds divisé en 6 thématiques : Archivistes et bibliothécaires en exil, Principaux bateaux de réfugiés, Organisations d'aide humanitaire, Évacuation et rapatriement des mineurs, Camps de réfugiés en France, Ressources documentaires et bibliographiques.

Ce site est donc une mine d'informations à ne pas négliger lorsque l'on cherche à retrouver un proche ou un parent : Site officiel du CIDA

Conseil n°18 : Si vous avez du temps, faîtes un détour par Pierrefitte-sur-Seine

En 1940, lorsque la capitale tombe aux mains des Allemands, les bureaux parisiens de la Direction de la Sûreté sont vidés et tous les dossiers qu'ils contenaient (dossiers datant essentiellement de 1938 à 1940) sont spoliés et déplacés dans les territoires du Reich. Quelques années plus tard, trésor de guerre de l'Armée Rouge, ces archives sont acheminées vers Moscou où elles sont inventoriées et conservées pendant presque 50 ans. Les documents seront ensuite restitués à la France entre 1994 et 2001. On les désigne sous le nom de "fonds de Moscou".

Ces documents traitent de nombreux thèmes (circulation routière, affaires judiciaires,...) dont celui des réfugiés espagnols. Ils sont actuellement conservés sur le site de Pierrefitte-sur-Seine (93).

La principale ressource est constituée par des listes nominatives et des notices individuelles de réfugiés espagnols en France, dressées par les commissaires spéciaux entre avril 1939 et mars 1940. Elles sont classées par département puis par commune, côtes F/7/14725 à F/7/14735 .

Il n'existe pas, à ce jour, de base de données. Il faut donc se déplacer et il est très difficile d'effectuer une recherche quand on ne connaît pas le lieu d'internement des personnes recherchées. En plus dans la plupart des cas, les listes ne suivent pas l'ordre alphabétique et les noms y sont souvent mal orthographiés ou francisés.

Bref, il faut donc tout lire pour avoir une chance de repérer un nom familier et le résultat n'est pas garanti du tout car les listes ne sont pas exhaustives.

Alors, voilà, je vous en parle pour que vous sachiez que ce fonds existe mais... ne vous faites pas trop d'espoirs !

 

Archives nationales

59 rue Guynemer

Pierrefitte-sur-Seine (93)

Consulter la fiche de recherche,

 la liste des côtes,

ou réserver un document

en cliquant ici

 

 

On passe à la suite ?

Vous avez rassemblé toutes les pieces de votre puzzle ?

Alors, passons à l'étape suivante :

Collecter les souvenirs                  Reconstituer la chronologie                Replacer dans le contexte

ou bien, si vous êtes déjà passé par toutes ces étapes, d'aborder la phase finale : Mettre en forme et transmettre

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