Le camp de Rivesaltes, aussi appelé camp Joffre, est certainement le camp de concentration français ayant servi à l'internement des réfugiés espagnols à propos duquel on a le plus écrit. Pour autant, au moment de sélectionner l'ouvrage qui doit figurer dans ma rubrique Un camp, un livre, je n'ai aucune hésitation. Plus qu'un choix, c'est une évidence : ce sera le Journal de Rivesaltes de Friedel BOHNY-REITER.
Je pense bien que cela ne vous suffit pas, hein ? Vous voulez savoir pourquoi celui-là plutôt qu'un autre, c'est bien ça ?
Hé bien, parlons d'abord un peu des autres. Il y en a beaucoup. Il faut dire que les baraquements de Rivesaltes ont servi longtemps et, qu'au fil du temps et de l'humeur de ceux qui font l'Histoire, ils ont eu plusieurs usages. Et, chacune de ses périodes d'activité méritant que l'on s'y intéresse, ce camp se retrouve aujourd'hui l'objet de nombreuses publications parmi lesquelles je citerais l'étude Rivesaltes, le camp de la France de 1939 à nos jours de Nicolas Lebourg et Abderahmen Moumen, le recueil de témoignages Les républicains espagnols à Rivesaltes de Geneviève Dreyfus-Armand, et le livre-photos Camp de Rivesaltes, lieu de souffrance de Flore. En outre, nombre d'ouvrages plus généralistes y font référence comme La France des camps de Denis Peschanski ou L'exil des républicains espagnols en France de Geneviève Dreyfus-Armand. Également, il est le décor à plusieurs romans dont le Délivrez-nous du mal de Aurélie Capobianco.
Mais pour moi, le Journal de Rivesaltes de Friedel BOHNY-REITER sort du lot parce que, premièrement, c'est un document rare -je vais y revenir- et, deuxièmement, parce que le texte me touche tout particulièrement : les dates et la durée du séjour de l'auteure correspondent à peu près à la période à laquelle ma grand-mère était internée dans ce camp.
Friedel BOHNY-REITER (1912 Autriche - 2001 Suisse) infirmière en pédiatrie, a travaillé en 1941 et 1942 au camp de Rivesaltes pour le Secours suisse aux enfants. Elle y a tenu un journal où elle a consigné presque tous les jours ce qu'elle voyait et son travail. C'est ce journal qui, après avoir été découvert et traduit par l'historienne Michèle Fleury-Seemuller, a été édité en 1993 par les éditions Zoé.
Journal de Rivesaltes 1941 - 1942 :
En 1941, le Secours suisse aux enfants envoie Friedel Reiter, alors engagée au sein de la Croix-Rouge, au camp de Rivesaltes où sont concentrés entre 17 000 et 18 000 "indésirables" juifs, espagnols et tziganes, dont de très nombreux enfants. Le 12 novembre, sitôt arrivée et installée dans la baraque suisse, la jeune femme se met au travail.
Elle devra quitter le camp un an plus tard, le 25 novembre 1942, tandis que les Allemands, qui viennent d'envahir la zone sud, décident de le vider de ses occupants et de transformer ses installations en caserne pour le cantonnement des troupes.
Dans l'intervalle, Friedel Reiter confie à son journal son quotidien et celui des femmes, des hommes et des enfants qu'elle côtoie. C'est un quotidien de sous-nutrition, de froid, d'immense misère, de saleté, de maladie, de morts, de découragement, d'angoisse, et à partir d'août 1942, de déportation.
Ce petit livre est un témoignage unique, sobre et minutieux. Non seulement, il renseigne le lecteur sur de nombreux aspects de la vie dans les camps français mais il l'éclaire également sur le travail des organisations d'entraide qui luttaient chaque jour pour palier l'administration défaillante des camps, notamment en matière de ravitaillement. Il met aussi en avant, sans le vouloir, des personnalités hors du commun dont la compassion et le dévouement forcent l'admiration. Petits points de lumière dans l'obscurité.
Le texte de l'infirmière est précédé d'une introduction d'une trentaine de pages rédigée par l'historienne Michèle Fleury-Seemuller ce qui permet de comprendre le contexte dans lequel le journal a été écrit.
Une lecture déchirante mais utile.
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