Les auteurs :
"David SALA n'est pas seulement un auteur de BD, c'est un peintre-écrivain". Cette phrase n'est pas de moi mais de France Inter et j'y souscris totalement. Depuis ses débuts, David SALA alterne l'illustration jeunesse et la bande-dessinée au gré de ses envies. En 2022, il publie Le Poids des héros dont il signe à la fois le scénario, le dessin et la mise en couleur. L'album reçoit de nombreuses récompenses dont le Prix de la BD du Musée de l'histoire de l'immigration en 2023.
La 4ème de couverture :
« Mon grand-père n'est pas mort avant Franco. C'était un homme brisé mais habité par une détermination implacable à tordre sa ligne de vie pour ne pas être enterré avant son bourreau. C'est six mois après l'annonce du décès du "Caudillo", qu'Antoine Soto, s'éteint paisiblement dans son sommeil. Parti mais plus présent que jamais à mes côtés. Près du piano il y a avait cette peinture, son portrait avec ce regard perdu, un tableau d'une tristesse terrible. » (Ce portrait avait été peint dans le camp de Mauthausen par un antifasciste allemand. Caché, enterré pendant des années, puis récupéré à la libération du camps en 1945.)
Dans Le Poids des héros, David Sala convoque ses souvenirs d'enfance pour retrouver les figures tutélaires de ses grands-pères, héros de guerre et de la résistance.
Le recours à l'imaginaire permet d'approcher les zones d'ombre et les failles à bonne distance, tout en recomposant un parcours d'apprentissage et de transmission universel.
Pourquoi j'ai aimé cet album ?
Concernant le scénario, je ne vois pas ce que je pourrais ajouter à la 4ème de couverture sans divulgacher la lecture. Vous avez compris que Sala a choisi de mettre en page son histoire personnelle et que, par conséquent, nous sommes en présence d'un récit auto-biographique écrit par un petit-fils de réfugiés espagnols qui, après s'être battus contre Franco, furent l'un déporté à Mauthausen et l'autre enrollé dans la résistance.
L'album ne prend personne par surprise et, citant Romain Gary en avant-propos, il annonce l'intention de son auteur "lorsque vous écrivez un livre sur l'horreur de la guerre, vous ne dénoncez pas l'horreur. Vous vous en débarrassez". Une œuvre cathartique, donc.
Et le résultat est bluffant !
Au fil des pages et en peu de mots, l'auteur montre comment l'histoire familiale s'instille dans l'esprit d'un jeune garçon et forge l'homme en devenir : ses figurines d'enfant rejouent les évènements marquants de la vie de ses grands-pères, ses rêveries les mettent en images, son imagination et son émotion remplissent les vides,... Devenant sienne, l'histoire familiale est source de fierté mais elle est aussi un fardeau et, dans la vie du petit garçon, les tragédies passées et présentes ne tardent pas à se renvoyer l'écho d'une même douleur. Cet héritage ne le quittera plus. Une fois adulte, il le portera toujours en lui. L'homme sera devenu, malgré lui, gardien et passeur de cette histoire.
David SALA a parfaitement illustré les mécanismes de la transmission qui s'exercent chez celui qui transmet et chez celui qui reçoit, que ceux-ci en soient conscients ou pas. Cette lecture m'a beaucoup troublée car, d'une certaine manière, je m'y suis reconnue.
De surcroît, l'auteur a mis tout son talent au service de son récit et, selon l'émotion qu'il veut transmettre, passant du pastel à la gouache, de l’aquarelle à l’encre, de la peinture acrylique à la peinture à l’huile, c'est toute une atmosphère qui se déploie sous les yeux du lecteur et l'implique dans le récit. Impressionnant !
Mention spéciale pour les vignettes qui se rapportent aux années 70 dont l'esthétique est restitué avec brio. Un vrai régal !
En résumé, Le Poids des héros est une BD peu bavarde mais troublante et profonde sur le poids et la transmission de l'histoire familiale. C'est aussi une œuvre d'art ! Un de mes coups de cœur.
Description : BD adulte. 1 volume (176 p.) en français, édité par Casterman, 2022.
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