La toute première réaction des autorités portuaires est de refouler les embarcations. Mais les équipages, soutenus par leurs passagers, refusent de repartir. Les Préfets d'Alger et d'Oran, forcés de trouver une issue à la situation, adoptent la solution mise en œuvre en métropole. Les Espagnols disposant de ressources sont invités à vivre de leurs propres moyens, voire de quitter l'Algérie. Pour les autres -l'immense majorité-, les autorités improvisent des camps.
Comme ceux du sud de la France, les camps d'Afrique du Nord sont spécialisés par catégorie d'internés.
Au début, les hommes sont maintenus à bord des cargos tandis que les premiers "centres d'hébergement" ouvrent en ville pour accueillir les femmes, les enfants, les personnes âgées, les malades et les mutilés.
Dans l'arrondissement d'Alger, les réfugiées, avec ou sans enfants, sont regroupées au camp de Carnot et à Orléansville.
A Oran, on utilise des bâtiments désaffectés : le Centre n° 1 occupe l'ancienne prison civile et le Centre n° 2 est ouvert dans les anciens docks situés sur l’avenue de Tunis. On y regroupe des femmes et des enfants. C'est très insuffisant. Au mois d’avril, les autorités font monter des marabouts (qui sont de grandes tentes rondes) sur les quais oranais à Ravin Blanc ce qui constitue le Centre n°3, un centre destiné aux hommes. Dans la foulée, la colonie de vacances « La mer et les pins », à Aïn-El-Turck, devient le Centre n° 4. On y accueille des réfugiées espagnoles et leurs enfants.
En juillet 1939, un autre centre, un camp d'hommes, est ouvert dans l'ancienne caserne de Relizane.
Dans le département d'Oran, à la mi avril, on dénombre également une quarantaine d'Espagnols à Beni-Saf, une centaine de réfugiés "hébergés" dans le fort de Mers-el-Kébir et 127 hospitalisés.
Mais ce n'est toujours pas suffisant et près de 2 000 réfugiés se trouvent toujours à bord des cargos (essentiellement des hommes).
A partir du 20 avril (seulement !) des inspections sanitaires sont menées dans les camps et sur les cargos et, début mai, les derniers passagers débarquent enfin.
Entre-temps, de nouveaux camps ont été mis sur pied :
- les centres de Ben chicao et de Beni Hendel ou camp Molière (constitué de 2 granges), réservés aux femmes, aux enfants et aux familles,
- et, dans l'arrondissement d'Alger, le camp Morand à Boghari (qui réemploie d'anciens baraquements militaires) et le camp Suzzoni à Boghar (camp disciplinaire et de travail). Constitués de baraques rudimentaires ceinturées de barbelés, ces camps sont destinés à l’internement des « miliciens » (les autorités françaises désignent sous ce terme les soldats des forces républicaines espagnoles). Les conditions de vie y sont extrêmement difficiles (désert algérien = rigueurs du climat + difficultés de ravitaillement + manque d'eau + mauvaises conditions d'hygiène). Les internés sont transférés en juillet 39 au camp de Relizane.
Plus tard, un autre camp ouvre à Cherchell (à 60 km à l'Ouest d'Alger) pour les hommes "de catégorie socio-profesionnelle supérieure" (ces hommes seront mieux traités que les miliciens).
En mai 39, une mission internationale visite les camps d'Afrique du Nord et alerte les autorités sur les conditions de vie catastrophiques. Dans la foulée, la conférence d'Aide aux réfugiés qui se tient à Paris en juillet 39 demande la dissolution de Boghari... en vain.
A partir de 1941, les "fortes têtes" venues des camps politiques de la métropole se retrouvent au camp de Djelfa. Situé à 1 200 m l'altitude, le camp est soumis au climat rigoureux des hauts plateaux (très chaud en été, très froid en hiver). Au début, les internés sont logés dans des marabouts. A la fin de l'année, une partie d'entre eux peuvent dormir dans des baraques en dur qu'ils ont construites eux-mêmes. Au printemps suivant, il y a assez de baraques pour tous. Les internés aménagent également le gué qui permet d'accéder au camp afin que l'oued ne coupent plus l'accès au camp en sortant de son lit après chaque orage.
En 1941, le changement de tutelle a pris un peu de temps et les camps ne passent sous la responsabilité directe du Gouverneur général qu'au mois de juillet. Pour compenser la chute de ses effectifs (conséquences de la politique du nouveau régime), le gouverneur crée un corps spécial de troupes indigènes, les douairs, et confie à des détachements mixtes (gardes de la police et douairs) la surveillance des camps, ce qui ne sera pas sans conséquence sur la bonne marche du dispositif d'internement.
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